frencharabic 

Mort

La vie de l’homme est un grand mystère, mais sa mort est un mystère encore plus grand. L’avoir-à-mourir de l’homme structure le temps de son existence. L’homme vit chaque instant « à l’article de la mort ». La mortalité de l’homme exprime sa finitude, sa fragilité, sa vulnérabilité. Mais c’est essentiellement en tant qu’être-pour-soi que l’homme est un être fini. La relation à l’autre homme vient briser cette finitude.

La mortalité des hommes devrait leur faire prendre conscience de leur fraternité. Parce qu’ils sont des êtres mortels, les hommes devraient éprouver les uns envers les autres une compassion existentielle qui les unisse dans une profonde solidarité. Mais, au lieu de cela, ils se préoccupent avant tout de survivre et rivalisent les uns contre les autres dans d’incessantes batailles meurtrières. Ainsi, le risque de la mort, au lieu d’engendrer parmi les hommes des sentiments fraternels, suscite au contraire chez eux des désirs fratricides.

Au plus profond de lui-même, l’homme connaît la peur : la peur de l’autre homme, surtout de l’homme autre, cet inconnu, cet étranger, cet indésirable, cet intrus qu’il considère porteur de menaces et de dangers. La peur de l’homme s’enracine toujours dans la crainte de mourir. Dès lors, nous considérons l’autre comme un ennemi auquel nous prêtons l’intention de nous faire du mal et, peut-être, de nous faire mourir. Nous appréhendons la rencontre avec l’autre homme en le considérant comme notre meurtrier potentiel, quand bien même il ne manifeste aucune hostilité à notre égard. La peur crée le danger plus souvent que le danger ne crée la peur.

Dans les différentes traditions philosophiques, la vertu de l’homme fort capable de surmonter sa peur face aux dangers, aux souffrances et à la mort, c’est le courage. Depuis toujours, nous sommes habitués à penser que l’homme courageux est d’abord celui qui surmonte sa peur pour prendre le risque de mourir en recourant à la violence pour la défense d’une cause juste. La célébration de la guerre honore le courage du soldat qui ne craint point de défier la mort sur les champs de bataille pour la défense de la patrie. Mais, en réalité, le pari de celui qui décide d’employer la violence, n’est-il pas de tuer avant d’être tué ? L’homme qui choisit la violence ne peut pas ne pas savoir qu’il prend le risque d’être tué. Avant d’agir, il peut calculer au mieux ce risque, mais, dans le « feu de l’action », il s’efforce de ne plus y penser. Tout entier préoccupé par la volonté de tuer, il veut se convaincre qu’il sortira vainqueur de sa lutte à mort avec son adversaire. Ainsi, pour l’homme qui choisit la violence, le risque d’être tué se trouve occulté par son espoir de vaincre. Certes, ce risque existe réellement, puisqu’il s’agit d’affronter un adversaire qui est tout aussi déterminé à tuer pour ne pas mourir et tout aussi certain de vaincre, mais chacun feint de l’ignorer.

L’homme tue, non seulement parce qu’il ne veut pas être tué, mais parce qu’il ne veut pas mourir : il tue pour vaincre la mort. En définitive, ce qui, pour l’homme, nécessite et justifie la violence, c’est qu’elle lui apparaît comme l’unique moyen de se protéger contre la mort. L’autre incarne la menace de mort qui pèse sur nous. Ainsi nous entretenons l’illusion d’échapper à la mort en le tuant.

L’homme qui choisit la non-violence a pleinement conscience qu’en refusant de tuer, il prend le risque d’être tué ; il affronte directement le risque de mourir sans qu’il lui soit possible de recourir à un faux-fuyant. Lui aussi connaît la peur de la mort – comment pourrait-il en être autrement ? –, mais en décidant de faire l’option de la non-violence, il a choisi de lui faire face et de tenter de la surmonter sans tricher. Seul celui qui apprivoise la peur de mourir peut prendre le risque d’être tué sans menacer de tuer. En devenant libre à l’égard de la mort, l’homme devient libre à l’égard de la violence ; en maîtrisant l’angoisse de la mort, il acquiert la liberté de la non-violence. Désarmé, celui qui choisit la non-violence n’a d’autre protection que sa propre vulnérabilité. L’éthique de la non-violence est une éthique du risque. Cette acceptation de la mort n’est pas une résignation. Tout au contraire, seul celui qui refuse de tuer, proteste effectivement contre la mort.

Du point de vue éthique, la valeur de la vie humaine n’est pas la valeur suprême de l’existence. La valeur de la dignité spirituelle de l’homme est une valeur supérieure à celle de la vie. Il en résulte que je peux être amené à prendre le risque de perdre la vie par respect pour ma dignité, ou par respect pour la dignité de l’autre homme.

La tragédie de l’homme, ce n’est pas d’être mortel, mais de devenir meurtrier. Pour le sage, la volonté de ne pas tuer devient plus forte que la volonté de ne pas mourir ; la crainte de tuer prévaut sur la peur de mourir. La transcendance de l’homme, c’est cette possibilité de prendre le risque de mourir pour ne pas tuer, plutôt que de prendre le risque de tuer pour ne pas mourir.

Courage

Non-violence

Sacrifice

Violence  

return a l'index

 ÇáÕÝÍÉ ÇáÃæáì

Front Page

 ÇÝÊÊÇÍíÉ

                              

ãäÞæáÇÊ ÑæÍíøÉ

Spiritual Traditions

 ÃÓØæÑÉ

Mythology

 Þíã ÎÇáÏÉ

Perennial Ethics

 òÅÖÇÁÇÊ

Spotlights

 ÅÈÓÊãæáæÌíÇ

Epistemology

 ØÈÇÈÉ ÈÏíáÉ

Alternative Medicine

 ÅíßæáæÌíÇ ÚãíÞÉ

Deep Ecology

Úáã äÝÓ ÇáÃÚãÇÞ

Depth Psychology

ÇááÇÚäÝ æÇáãÞÇæãÉ

Nonviolence & Resistance

 ÃÏÈ

Literature

 ßÊÈ æÞÑÇÁÇÊ

Books & Readings

 Ýäø

Art

 ãÑÕÏ

On the Lookout

The Sycamore Center

ááÇÊÕÇá ÈäÇ 

ÇáåÇÊÝ: 3312257 - 11 - 963

ÇáÚäæÇä: Õ. È.: 5866 - ÏãÔÞ/ ÓæÑíÉ

maaber@scs-net.org  :ÇáÈÑíÏ ÇáÅáßÊÑæäí

  ÓÇÚÏ Ýí ÇáÊäÖíÏ: áãì       ÇáÃÎÑÓ¡ áæÓí ÎíÑ Èß¡ äÈíá ÓáÇãÉ¡ åÝÇá       íæÓÝ æÏíãÉ ÚÈøæÏ